Pour beaucoup de familles, les vacances d’été sont synonymes de repos et de voyage. On imprime les tickets d’avion, on boucle les valises et on se voit déjà dans le lieu de destination. Mais pour les parents d’enfants à besoins spécifiques, partir en vacances en avion peut s’avérer être une expérience complexe, parfois traumatique.
Pour des personnes autistes par exemple, et tout particulièrement pour des enfants, prendre l’avion peut être un moment très angoissant. La vitesse, le décollage, les sensations, le fait de ne pas pouvoir sortir ou de ne pas contrôler le voyage, tout ça peuvent être des motifs de crise. Parfois, l’enfant a un intérêt restreint pour les avions et le voyage se passe à merveille. Mais alors se pose la question du temps d’attente dans l’aéroport, avec un enfant surexcité à l’idée de prendre l’avion. Dans tous les cas : voyager en avion avec un enfant à besoins spécifiques n’est pas toujours de tout repos, et nécessite une logistique bien huilée.
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L’Union Européenne garantit l’accès aux aéroports pour tous
L’Union Européenne garantit la mobilité de tous les citoyens, y compris ceux à mobilité réduite ou avec des handicaps invisibles. En effet, le Règlement n°1107-2006 sur les droits des personnes handicapées et à mobilité réduite indique :
Le marché unique des services de transport aérien devrait bénéficier à l’ensemble des citoyens. Par conséquent, les personnes handicapées et les personnes à mobilité réduite, que cette réduction résulte d’un handicap, de l’âge ou de tout autre facteur, devraient avoir des possibilités d’emprunter les transports aériens comparables à celles dont disposent les autres citoyens.
Règlement n°1107-2006
Un Règlement Européen n’est pas une norme facultative, mais obligatoire. Les États membres sont tenus d’appliquer ses dispositions. Ne pas octroyer d’aménagements raisonnables pour accéder à un aéroport ou un avion (voire un train ou tout autre moyen de transport) constitue une discrimination. Un aéroport ou une compagnie ne respectant pas ce droit peut être sanctionné par une amende administrative.
L’article 6 du Règlement estime aussi que : “la fourniture d’une assistance de grande qualité dans les aéroports devrait être de la responsabilité d’un organisme central.” Ceci afin d’éviter la situation actuelle où certaines compagnies, voire aéroports, proposent une assistance et pas d’autres.
Depuis une dizaine d’années, les compagnies aériennes s’efforcent pourtant de faciliter le voyage ou le transport des personnes handicapées. Le Règlement Européen y a joué son rôle. Mais force est de constater une grande différence d’accueil parmi les aéroports et les compagnies aériennes. Bien souvent, ce sont les handicaps invisibles (non moteurs) qui sont oubliés, ou délaissés. Concrètement, les compagnies aériennes utilisent des codes internationaux pour indiquer le type d’assistance à fournir aux passagers à mobilité réduite, le code “DPNA” étant réservé pour les passagers présentant une déficience intellectuelle ou un trouble du développement.
Je prends très souvent l’avion, il y a cette fameuse assistance DPNA, mais toute cette assistance, chaque fois, n’a pas lieu. On nous dit “oui oui” par mail, et une fois sur place, c’est de nouveau l’horreur. Il faut parlementer des heures, pour finalement se débrouiller par nous mêmes. Maman d’un enfant autiste
Or, pour le handicap dit “invisible”, il existe une initiative britannique, largement utilisée outre-Manche dans d’autres domaines (comme les services de santé) et dont on pourrait s’inspirer : une carte nommée Hidden Disability Sunflower (le “tournesol du handicap invisible“).
Petit panorama de l’accessibilité des aéroports belges
En Belgique, comme dans la plupart des pays européens, l’application du Règlement n°1107-2006 se fait selon différentes interprétations.
L’aéroport d’Ostende-Bruges propose par exemple l’utilisation de la carte Sunflower qui permet d’obtenir une assistance en cas de besoin, mais aussi indique au personnel de l’aéroport qu’il faut laisser plus de temps et d’espace aux personnes qui la portent. Hélas, cette initiative est inconnue dans les autres aéroports de Belgique.
L’aéroport de Deurne-Anvers ne propose a priori pas d’assistance DPNA, seulement PMR. Il renvoie vers les types d’assistance de la compagnie aérienne TUI.
L’aéroport de Bruxelles-Zaventem propose une assistance DPNA sur demande (48 heures à l’avance), elle doit aussi s’associer d’une demande envers la compagnie aérienne.
L’aéroport de Liège-Bierset propose une assistance PMR seulement. L’aéroport de Liège est le seul à spécifier, avec celui de Charleroi, qu’une demande déposée trop tard peut impliquer un refus de prise en charge.
L’aéroport de Charleroi (Bruxelles-Sud) propose un PMR Corner où les personnes peuvent demander de l’assistance. Mais a priori, pas de présence d’assistance DPNA. Si vous avez besoin d’une assistance particulière, il est essentiel de la notifier auprès de votre compagnie aérienne. Comme pour Liège, vous avez jusqu’à 48 h avant le jour du départ pour faire votre demande d’assistance auprès de votre compagnie. Il est cependant recommandé de la faire au moins une semaine à l’avance.
Sur les cinq aéroports du pays, seulement deux prévoient ouvertement un protocole spécifique pour les handicaps invisibles. Bien souvent, les assistances proposées ne sont pas optimales, et la communication avec l’aéroport est souvent très difficile. Idem pour les compagnies aériennes
Cet article de ToerismVoorAutism (en néerlandais) montre bien à quel point demander cette assistance n’est pas évident. L’auteur de l’article résume son expérience avec l’assistance DPNA :
- Il y a un manque d’informations sur ce qu’implique l’assistance spéciale et ce que l’entreprise peut vous offrir. On ne sait pas exactement quelle aide vous recevrez. Il n’est pas non plus clair où s’inscrire, etc. Vous devez vraiment vous renseigner activement à ce sujet. Bref, les personnes en situation de handicap (ou leurs proches) doivent redoubler d’effort pour voyager. Ce qui est contraire au Règlement Européen.
- Il y a peu de connaissances parmi le personnel de l’aéroport sur les handicaps invisibles tels que l’autisme, les déficiences intellectuelles ou l’Alzheimer.
- Vous dépendez de la bonne volonté de l’équipage. On vous garantit que vous rentrerez et sortirez en premier de la cabine, mais les stewards de l’avion ne sont pas toujours au courant.
- Manque de communication entre l’aéroport et les compagnies. Les demandes d’assistance (DPNA ou PMR) doivent souvent être déposées en double : pour l’aéroport et pour la compagnie aérienne, sans jamais être certain que les deux assistances seront harmonisées.
- Pour voyager avec une personne en situation de handicap, il faut anticiper. Logistiquement, demander une assistance est souvent une procédure lourde : la demande doit être déposée très tôt (au moins une semaine à l’avance). C’est par ailleurs le même problème qui se pose avec les transports en commun de type tram ou train. Une telle anticipation démontre que les assistances proposées ne font pas partie des procédures normales d’accessibilité. Ce qui est contraire au Règlement Européen, puisqu’un citoyen handicapé n’a pas les “possibilités d’emprunter les transports aériens comparables à celles dont disposent les autres citoyens.“
Et pourtant…
Les aéroports de Miami (Floride) et Londres-Gatwick (Angleterre), par exemple, ont ouvert des zones multi-sensorielles (snoezelen) réservées pour enfants autistes, angoissés ou hypersensibles.
En Italie, c’est le projet “Aeroporto Amico“, qui met en pratique le Règlement Européen. Depuis 2015, la majorité des aéroports italiens proposent une assistance spécifique pour personnes autistes, par :
- Le parcours (de l’arrivée à l’aéroport à l’embarquement dans l’avion) est illustré dans une brochure ou une vidéo, avec des images et des textes simples qui aident à connaître à l’avance les lieux et les processus (exemple de vidéo de l’aéroport de Naples).
- Des protocoles spécifiques d’assistance dans chaque aéroport.
- Un personnel formé et sensibilisé aux handicaps invisibles.
- La possibilité pour les personnes autistes (ou leurs parents) de venir visiter l’aéroport avant le voyage pour se préparer.
- Des sièges prioritaires dédiés sont disponibles pour les passagers handicapés ou à mobilité réduite dans le terminal, identifiables par une signalisation appropriée.
Enfin, la carte européenne de handicap permet d’éviter les files lors du passage à la douane. Hélas, tous les aéroports ne sont pas harmonisés sur la question, et votre expérience dépendra encore grandement de la formation et de la sensibilisation du personnel.
Revendications pour des aéroports plus accessibles
C’est pourquoi, après cette analyse, il nous est important de proposer ces revendications pour des aéroports plus accessibles à tous :
- Faire respecter le Règlement Européen, ce qui implique une assistance PMR, mais aussi DPNA dans tous les aéroports. Prendre en compte le handicap dans toute sa transversalité, en ce compris les handicaps invisibles.
- Garantir l’accessibilité des vols et aéroports par un organisme central chargé d’en évaluer la qualité.
- Faciliter et harmoniser les dépôts de demande d’assistance.
- Prévoir du personnel formé et dédié pour assister des personnes n’ayant pas pu déposer leur demande en avance.
- Proposer un “pass” permettant aux personnes en situation de handicap de ne pas avoir à attendre aux files.
- Créer des outils visuels (fiches, vidéos, brochures) avec du texte simple (Facile à Lire) pour aider les personnes à connaître à l’avance les différents lieux et les procédures. Proposer éventuellement de visiter l’aéroport en avance.
- Installer de sièges prioritaires pour personnes handicapées.
- Mettre à disposition de lieux calmes pour que des personnes avec autisme ou hypersensibilité puissent s’isoler à l’abri des stimulations trop importantes.