La pétition du Collectif Autisme de Wallonie est venue rappeler au monde politique et médiatique que l’autisme restait l’une des grandes causes oubliées du secteur social-santé. Nos associations, GAMP et InforAutisme, soutiennent les parents qui se mobilisent pour l’avenir de leurs enfants, en référence au Plan Autisme Transversal édité en avril 2016 par la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Région Wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale. Nous vous présentons ici les revendications que nous portons depuis déjà plus de 20 ans dans le cadre de notre travail de terrain auprès des familles concernées (création d’InforAutisme en 2001 et du GAMP en 2005). Ces revendications concernent les compétences de la région wallonne.
1. Une détection et un diagnostic précoces
L’autisme touche au moins 1 naissance sur 100 et dans certains pays comme les Etats-Unis, il touche déjà 1 enfant sur 60. Des milliers d’enfants sont donc concernés en Belgique et en Région Wallonne. Plus tôt on détecte l’autisme, plus de chances nous avons de réduire sa sévérité et surtout les sur-handicaps éducatifs, en agissant sur les apprentissages et compétences de base dans la communication et la relation sociale. Or, il n’existe actuellement pas de dépistage systématique dans les consultations ONE malgré l’existence du programme de détection précoce de l’autisme « STARTER » adressé aux pédiatres et médecins sur le site de l’ONE Excellensis. Tous les médecins et les intervenants de la petite enfance devraient connaitre l’outil de dépistage M-CHAT, d’interprétation facile, permettant de détecter les premiers signes d’alerte de l’autisme et de mettre ainsi en place des interventions précoces et intensives auprès des jeunes enfants dès l’âge de 15-18 mois. Des tests d’audition sont effectués systématiquement dès la naissance en milieu hospitalier, pourquoi refuse-t-on de détecter l’autisme dans le cadre des consultations ONE ?
Une fois les signes d’autisme détectés, il est indispensable de procéder à un diagnostic certifié selon les critères du DSM. Or les Centres d Diagnostic en Région wallonne sont encore en nombre insuffisant et couvrent de manière inégale le territoire. Ils accusent aussi la présence de longues listes d’attente allant de plusieurs mois à même 2 ans ! Pour les raisons déjà énoncées, on ne peut pas attendre si longtemps un diagnostic, il faut agir dès les premiers soupçons. Il est indispensable donc de créer davantage de centres de référence et d’augmenter la capacité de ceux déjà existants.
2. Un accompagnement adapté tout au long de la vie
Une fois le diagnostic posé, il faut pouvoir pallier les carences de communication et de socialisation des enfants autistes par un accompagnement adapté à leurs besoins spécifiques. L’utilisation de bonnes pratiques d’intervention recommandées par le KCE et le Conseil Supérieur de la Santé (méthode Denver, PECS, TEACCH, ABA fonctionnel, …) est indispensable. Idéalement, comme cela est déjà mis en place dans les provinces du Canada, aux Etats-Unis et dans de nombreux pays européens, il faut que des services spécialisés d’intervention précoce intensive interviennent pour un suivi rapproché. Or, on constate sur le terrain (d’après une enquête que nous avons menée en 2019, disponible sur demande, auprès de dizaines de services d’accompagnement, de réadaptation fonctionnelle et psycho-socio-thérapeutiques) que peu de professionnels sont formés, que ce soit au niveau des études supérieurs ou de la formation continue, et que peu de parents font l’objet de guidance afin d’utiliser les mêmes pratiques éducatives à la maison. La persistance des approches psychanalytiques dans ce type de services – approches NON RECOMMANDEES par les instances scientifiques nationales et internationales de santé – reste encore majoritaire !
3. Une vie digne à l’âge adulte
Le traitement des adultes qui ont fait l’objet de mauvaises pratiques non validées par la recherche scientifique ou de bonnes pratiques partielles, mais insuffisantes car non constantes ni supervisées ou évaluées, représentent un véritable problème de société. La solution proposée, quand elle existe, est souvent institutionnelle, voire psychiatrique. Or, il n’existe pas de médicaments soignant l’autisme, mais des interventions de type éducatif et comportemental existent et peuvent permettre à tout âge une meilleure autonomie, la mise au travail, que ce soit partielle ou totale, ou des activités de valorisation sociale. C’est tout notre mode d’accompagnement et de subsidiation des services qui doit être revu si l’on veut tendre vers une réelle inclusion sociale, un logement et des activités de jour adaptées aux besoins de chacun. La Région wallonne présente encore et toujours, malgré une condamnation du Comité Européen des Droits Sociaux en 2013, un manque flagrant de solutions d’accueil et de capacité de gestion des crises. Les parents vieillissants restent trop souvent les seuls accueillants pour leur enfant adulte autiste et redoutent le moment où ils ne pourront plus assumer cet accompagnement. L’angoisse de l’après-parent les guette au quotidien ! Et les adultes avec un plus haut niveau de fonctionnement, quant à eux, restent pour la plupart en-dehors de tous services spécialisés : pas assez handicapés que pour en bénéficier mais trop handicapés que pour bénéficier de services généralistes.
Nous demandons incessamment aux politiques de la Région wallonne :
- La programmation de l’ouverture de services de prise en charge précoce et intensive.
- L’obligation pour tous les services s’adressant à l’autisme de mettre en place les pratiques recommandées par le KCE et le Conseil Supérieur de la Santé.
- La diffusion de l’outil de dépistage STARTER et du M-CHAT et son utilisation par tous les intervenants de la petite enfance.
- La guidance parentale dès l’annonce de diagnostic.
- La mise en place de programmes de formations à l’autisme et aux bonnes pratiques pour les professionnels et les parents.
- L’accompagnement adapté aux besoins à l’âge adulte, quel que soit le niveau de fonctionnement (emploi, activités de valorisation sociale, activités quotidiennes).
- Développement de structures de logement communautaire inclusif.
- Une attention particulière à l’autisme de grande dépendance qui nécessite un accompagnement renforcé par des professionnels hautement spécialisés.
- Le développement du répit spécialisé et de l’accueil d’urgence.
- La création d’unités spécifiques pour les situations de crise pouvant accueillir les personnes nécessitant une stabilisation (de 3 mois à 2 ans en fonction des situations).
- La formations des intervenants de services généralistes afin d’assurer une plus grande inclusion sociale.