Dans le village de Sommière (Onhaye), près de Dinant, l’ouverture d’un centre pour personnes en situation de handicap pose problème. Ça avait commencé par des discussions houleuses sur un groupe Facebook, avant qu’une pétition ne soit rédigée, laquelle demandait l’arrêt du projet. Devant tout ce tumulte, la commune a dû organiser une séance d’information dans l’espoir de convaincre les villageois du projet.
Cela aurait pu passer inaperçu, mais un village de 450 habitants a tenté de s’opposer à l’ouverture de 60 places pour personnes en situation de handicap. Quatre bâtiments et un parking sont prévus sur un terrain en plein cœur du village de Sommière. Une nouvelle qui a très vite déplu. Sur le groupe Facebook, des utilisateurs se sont échauffés :
“On peut se poser des questions sur l’impact sur notre village…”, “Non, non, et non !”, “faisons tous ensemble une pétition contre ce projet”, “on les aura vraiment toutes dans cette commune de m*****”, “un village doit rester un village et ce genre de centre n’a nullement sa place dans un village de campagne”, “je vois pas l’intérêt d’un tel centre”, “ça va pas être possible !!!!! Il y a tellement d’autres endroits beaucoup plus adaptés ailleurs (en ville, par exemple !)”, “Pas question pour cette implantation !”
Une autre personne craignait que l’esprit et le calme du village soient perturbés par la construction du centre : “Déjà avec les nouvelles maisons rue de Bouvignes, on a acheté à Sommière car on aime le village et l’esprit qu’il dégage, et le calme surtout. C’est sûr qu’avec une telle implantation… voilà quoi.“
Le comité du village a donc décidé de lancer une pétition contre ce projet. Jean-Christophe Hymon, membre du comité, explique :
Pour accéder au complexe, il n’y a qu’une petite route en mauvais état. On voit tout de suite que des passages de camions ou autres ne seront pas possible. De plus, deux des logements prévus se trouveront à quelques centaines de mètres des premières habitations. Pour nous, c’est un véritable coup de canif dans notre ruralité !
Or, selon la première Echevine, Nathalie Lekeux, le véritable problème se trouverait ailleurs :
Je ne suis pas certaine qu’une crèche ou une maison de repos aurait suscité autant de critiques. Je pense sincèrement que c’est le fond du projet et le type de personnes qui en sera bénéficiaire qui gêne.
Et c’est vrai qu’en regardant le projet de près, le terrain y est vaste et spacieux, la rue comprend une dizaine de nouvelles maisons et un terrain de football un peu plus loin. Ce village évolue depuis bien des années au niveau urbanistique. D’autant plus que le terrain est un terrain à bâtir, un centre pour personnes handicapées compterait donc le même nombre de voitures et de visites qu’autant de maisons construites. Le centre pourrait d’ailleurs être l’occasion, pour la commune, de revoir l’accessibilité des lieux, voire de proposer des rencontres inclusives entre les différents publics.
Nous alertons régulièrement le politique, mais aussi le grand public, sur la question du manque de places pour les personnes en situation de handicap, et tout particulièrement pour la grande dépendance. Au-delà du manque de places, c’est un véritable manque de solutions que nous déplorons. Les personnes en situation de handicap ont de graves difficultés à trouver une place pour vivre, étudier, travailler, ou tout simplement être entendus. Et pour les parents, le manque de places est générateur d’angoisses : que fera mon enfant lorsque je ne serai plus là ?
Garantir à chaque personne handicapée une place, une solution, est essentiel pour le secteur. Or, aucune garantie ne peut aujourd’hui rassurer les principaux concernés, ni leurs aidants. Pire, la situation est telle que les parents se résolvent souvent à construire un centre par eux-mêmes, quand ils en ont les moyens. Les autres se débrouillent. A défaut de solutions offertes par l’Etat, ils en trouvent par eux-mêmes. Nous déplorons ici que la construction de nouvelles places accuse de telles critiques, alors qu’elle est une demande du secteur depuis plusieurs dizaines d’années.
Pour rappel, en 2010, après plusieurs années de combat et constatant le peu d’avancées concrètes en matière d’accueil des personnes gravement handicapées, le GAMP et l’asbl ANAHM initiaient une action contre l’Etat belge pour carence de solutions d’accueil pour les personnes handicapées adultes de grande dépendance. En juillet 2013, le CEDS rendait publique sa décision sur le « bien fondé » qui condamnait la Belgique. Vous pouvez visionner une des vidéos annonçant la condamnation.
Les citoyens de Sommière ont le droit de s’opposer à un projet urbanistique dans leur commune, mais en contrepartie, les personnes en situation de handicap ont tout aussi le droit à une place dans la société. Lequel droit étant garanti par notre Constitution. Reste simplement à savoir quelle population aura gain de cause, et quels intérêts seront défendus.