Par Irène Knodt, psychologue spécialisée en autisme
Un problème qu’on m’a beaucoup soulevé ces derniers jours : plusieurs autistes, enfants comme adultes, perçoivent le monde par la bouche… ce sont des lécheurs. Ils lèchent les objets, les murs, les carreaux, les gens ; ils mettent tout en bouche, SANS AVALER. Ceux qui mangent tout ont un autre type de comportement, on peut parfois parler de pica.
Quand ils vont à l’école, ils lèchent les affaires des autres et se font rejeter.
Dans les institutions, ils laissent des traces partout et propagent tous les virus et autres maladies.
Dans les familles, la fratrie ne les supporte pas facilement.
Ce qui ne sert absolument à rien : crier, retirer, punir, s’énerver, isoler… Il faut partir du principe que ça semble indispensable à leur vie. Mais il faut essayer de rendre ce comportement acceptable pour les autres, et commencer le plus tôt possible. En effet, corriger cette habitude chez un adulte qui passe son temps avec la langue collée aux murs prendra bien plus d’énergie… et parfois on n’arrivera pas à l’éteindre chez l’adulte.
Dans un premier temps on va observer ce que la personne lèche (il est rare qu’elle ne fasse pas de choix). On va observer si ce qui est léché a un aspect spécial (rugueux comme les murs crépis au point de se blesser la langue ou les briques ; lisse comme les miroirs ou les vitres ; doux comme les tentures, les draps de lit, les vêtements…).
Ensuite on observera si la personne choisit des goûts (salé, sucré comme les traces sur les tables, amer comme le cuir et les chaussures). On verra si la forme est importante (l’angle de boîte, pointue comme un crayon, arrondi comme certains meubles…). Parfois certains cherchent des détails dans les surfaces comme une vis ou un petit trou ; d’autres recherchent les plantes ou les personnes qui leur plaisent…
Vous constaterez que le lécheur débutant peut explorer un peu mais en général il devient rapidement « spécialiste en un domaine ». Ils sont rarement spécialistes en plusieurs domaines. Il est intéressant de l’observer sans intervention dans plusieurs contextes (maison, école, extérieur, voiture…) et de demander à plusieurs observateurs. Dans une classe où il y a un lécheur, les autres donnent de bonnes indications : “Madame, il lèche mon banc… il lèche mon anorak… elle a encore léché ma tête…”
Quand on a la spécialité, on introduira un substitut bien réfléchi. On pourra introduire un bout de cuir, de tissu (qui ne s’effiloche pas), de bois (sans écharde), du papier émeri, un bloc de sel (comme on donne aux animaux en manque de sel), un couvercle, une gomme, une peau d’animal, du caoutchouc… bref on va avec beaucoup d’imagination chercher l’objet que la personne trouvera agréable à lécher et qui ne la blessera pas.
On peut, suivant la personne lui mettre dans une poche, un sac banane, l’accrocher avec un ruban au cou ou à une boutonnière. Cet objet devra pouvoir être remplacé rapidement en cas de perte. Il ne devra pas être toxique ! Il est inutile d’acheter dans le commerce spécialisé un substitut qui ne correspond pas du tout à la « spécialité ».
Le travail suivant sera épuisant et parfois désespérant. Il va consister à systématiquement détourner la personne de la zone à laisser pour la diriger vers l’objet choisi. Il y aura une résistance au départ car le lécheur est baladeur et explorateur. Quand il comprendra que cet objet de substitution lui permet de se balader et d’explorer facilement puisque l’objet est avec lui ce sera gagné. Chaque fois qu’il utilise l’objet, on le félicite exagérément et quand il va vers une exploration interdite on dit simplement non sans explication et on lui donne près de la bouche l’objet choisi.
Si vous n’imaginez pas pouvoir consacrer DES semaines à ce passage vers l’objet, inutile de commencer. Mais quelle victoire pour son avenir car les lécheurs malgré leur grande spécificité et en général leur grande gentillesse … sont rejetés par les autres.
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