Dans un précédent article, nous vous présentions différents tests diagnostics pour le dépistage de l’autisme chez l’enfant. Bien que le dépistage de l’autisme soit une priorité, de nombreux individus ne sont malheureusement pas diagnostiqués et se retrouvent à l’âge adulte avec un Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA) sans accompagnement spécifique, ni aucune aide.
Depuis plusieurs années, nous assistons à une nette augmentation des cas d’autisme. Aux Etats-Unis, la prévalence de l’autisme s’élevait à 0,67% en 2000, et grimpe à 1,85% dans les dernières études. Une étude coréenne a même annoncé une prévalence de 2.6 %. Cette augmentation inquiète, et la question enflamme de nombreux spécialistes de la question. Le chercheur Laurent Mottron parle même dans une conférence donnée en janvier 2021 d’une “épidémie d’autisme“.
L’augmentation de la prévalence de l’autisme pourrait inciter le grand public à penser que les diagnostics modernes sont plus efficaces, que nous connaissons mieux le syndrome et que l’offre de services a augmenté pour suivre la courbe. Or, il n’en est rien. Les services sont bien souvent saturés et le grand public ignore encore largement la réalité concrète de l’autisme. Comment expliquer ce phénomène ?
Un problème de diagnostic ?
Fort heureusement, le diagnostic d’autisme s’est professionnalisé avec le temps. Alors qu’il se faisait de manière subjective et informelle dans le passé, le diagnostic se pose désormais sur base de critères formels et objectifs. “Le jugement clinique du praticien est relégué au second plan en tant que garde-fou de l’imprécision et des limites des tests.” Des outils, comme l’ADOS, l’ADIR, le RAADS, etc., ont pour but de distinguer si la personne est autiste en fonction de critères précis. Ces critères sont cependant extrêmement difficiles à définir tant les TSA sont hétérogènes. Car, si le diagnostic d’autisme est compliqué à poser dans l’enfance, il l’est d’autant plus à l’âge d’adulte, à cause de la ressemblance entre les symptômes d’autisme et ceux d’autres troubles associés (notamment, les TDAH).
Le fait que l’on diagnostique de plus en plus d’autistes ne veut absolument pas dire qu’on les diagnostique de mieux en mieux. Pourquoi est-ce qu’on ne peut pas faire cette équivalence ? Eh bien, tout simplement parce qu’on n’a pas de gold standard qui nous dirait que les différentes personnes que l’on inclut dans un diagnostic d’autisme le sont toutes au même titre.
Laurent Mottron
La chercheuse danoise Eya-Mist Rødgaard, qui s’avère être une personne avec autisme, a découvert dans une étude de novembre 2019, que “la différence entre les groupes de personnes avec et sans autisme dépendait de la période au cours de laquelle le diagnostic a été mené et que cette différence diminuait avec le temps“. En d’autres termes : les autistes d’aujourd’hui sont considérablement moins différents de la population générale que les autistes d’avant.
Des autistes moins différents que le reste de la population ?
Mais quelle est la cause de cet écart ? Rødgaard met d’emblée de côté l’hypothèse selon laquelle les tests diagnostics seraient plus efficaces qu’avant et permettraient de mieux diagnostiquer les autistes qui ne le sont pas encore. Certes, notre connaissance de l’autisme a évolué, mais le progrès n’est pas une preuve suffisante pour expliquer cet écart entre les autistes d’hier et les autistes d’aujourd’hui. En effet, si le progrès des connaissances scientifiques et la redéfinition de l’autisme à partir du DSM-IV pouvaient expliquer cette épidémie d’autisme, alors, l’écart observé par Rødgaard devrait s’arrêter net avec la parution du DSM-IV en 1994. Or, la diminution est graduelle. La raison est donc ailleurs, et pour Rødgaard, elle est avant tout dans la définition particulièrement hétérogène de l’autisme.
L’étude de Rødgaard n’a pas pour but de dire que les diagnostics d’autisme posés aujourd’hui sont moins fiables qu’avant, mais plutôt que les changements dans la définition de l’autisme rendent plus difficile la conception d’outils diagnostics standardisés. Bref, c’est comme si nous étions retourné progressivement vers une vision subjective et informelle du diagnostic. Une vision de l’autisme qui ne se baserait plus sur un résultat purement objectif et rationnel, mais en partie sur l’interprétation des résultats du test (dans le meilleur des cas, un professionnel informé, dans le pire des cas, l’individu lui-même, ou ses parents, via des tests en ligne). C’est par ailleurs une inquiétude importante en psychiatrie, en novembre 2019, le pédo-psychiatre James C. Harris militait pour une redéfinition des TSA, en y incorporant des sous-catégories d’autisme, permettant ainsi de mieux en comprendre l’hétérogénéité, et par-delà mieux accompagner les personnes concernées.
Dans un prochain article, nous vous présenterons différents test diagnostics utilisés avec plus ou moins de sérieux dans le diagnostic de l’autisme à l’âge adulte.