Dans le cadre de la journée de lutte pour le droit des femmes, nous souhaitions revenir sur une facette méconnue de ce combat : celui des mères d’enfants handicapés esseulées.
Le rapport du SPF Sécurité Sociale “Pauvreté et handicap en Belgique” le soulignait déjà : “Pour les familles ayant un enfant handicapé, la recherche d’emploi semble problématique à première vue. Bien que des progrès aient été réalisés dans de nombreux pays dans le domaine de l’égalité des genres, ce sont principalement les mères qui réduisent leur travail rémunéré pour s’occuper de leurs enfants, ce qui indique des inégalités fortes et persistantes entre les genres dans la répartition des soins et du travail.” (p. 232).
Ainsi, les mères ne sont pas épargnées par l’annonce du handicap de leur enfant, étant donné qu’elles restent celles qui assument principalement les tâches parentales et domestiques. Le patriarcat n’échappe pas au secteur du handicap : “les tâches parentales, surtout celles de la mère, se révéleront passablement plus lourdes que celles des parents épargnés par ce genre de problèmes. Ces mères sont en effet appelées à tenir les rôles divers auxquels rien ne les a préparées, ce qui constitue des risques d’épuisement quand leur enfant présente un handicap lourd ou des difficultés de comportement“, nous indique une étude canadienne.
Un risque d’épuisement qui est bien réel puisque les mères d’enfants autistes “présentent des taux extrêmement élevés de stress, de détresse et de dépression ; ces taux atteindraient entre 50 % et 80 %” (p. 247). Une détresse qui, non seulement, dégrade la santé de la mère, mais l’éloigne aussi de ses loisirs et du monde du travail.
Cette situation de stress subi par les parents produit de nombreux effets néfastes (fatigue chronique, irritabilité, angoisse, désespoir, problèmes de santé mentale ou physique) qui “réduisent le temps, l’énergie et la disponibilité nécessaires aux activités et à l’intimité du couple” (p. 249). Dans les familles avec un enfant handicapé, le taux de divorces monte à 85%, isolant encore plus des mères déjà très fragilisées. Bien souvent, le seul revenu de ces familles monoparentales est l’allocation de l’enfant handicapé, faute pour la mère de pouvoir travailler.
Bref, ce sont donc des femmes qui doivent payer le prix des manquements de l’État en matière de handicap. Un prix qui les pousse à la précarité puisqu’elles doivent réduire leur travail rémunéré (ou le quitter) pour s’occuper de leur enfant, qu’elles doivent bien souvent élever seules. Une situation dramatique qui démontre l’existence d’une discrimination par association, entre le handicap de leur enfant et leur statut de femme. Pour les nombreuses femmes devant s’occuper d’un enfant à besoins spécifiques, le travail ne rend toujours pas libre.
Dans le passé, les théories psychanalytiques avaient pour coutume de faire culpabiliser les mères d’enfants autistes. Une obscure interprétation disait que l’autisme serait provoqué par l’absence de désir de la mère pour son enfant. Aujourd’hui, et il faut s’en réjouir, une approche rigoureuse et systémique permet de nous dégager de cette pensée. La discrimination des femmes via le handicap n’est néanmoins pas nouvelle, et si la misogynie psychanalytique a (presque) disparu, il n’en reste que le système ne permet pas à ces femmes de vivre une vie décente, ni d’élever leur enfant comme elles le souhaiteraient.