Le 13 octobre dernier, la députée Mathilde Vandorpe (CDH) a interpellé la ministre Christie Morreale au parlement wallon en citant le GAMP.
C’est suite à la sortie d’un reportage sur le confinement perpétuel des personnes en situation de handicap que la députée Vandorpe a souhaité connaître “les actions qui sont menées pour que les personnes atteintes d’un handicap puissent bénéficier, dans le cadre de cette crise, des soins les plus adéquats.” Ajoutant : “…et pas uniquement de la prise en charge des personnes en institutions, mais aussi des mesures à prendre pour garantir à l’ensemble des personnes porteuses de handicap une prise en charge adaptée et continue malgré les mesures sanitaires nécessaires.“
“Madame la Ministre, le GAMP a récemment attiré l’attention via la presse et une grande campagne sur les situations trop souvent vécues par les personnes porteuses de handicap quant à leur inclusion dans la société.
(…) Les aidants proches du secteur ont eux aussi besoin d’être soutenus pour s’adapter aux nouvelles mesures. On sait à quel point les familles ont été mises à rude épreuve pendant le confinement. Avez-vous une vue d’ensemble sur la façon dont ces familles ont vécu la crise ? Quelles solutions proposez-vous pour les aider à faire face aux nouveaux défis du quotidien en période de pandémie, mais surtout à faire face en cas de développement de la maladie Covid par leurs proches ?“
Malheureusement, la séance se tenant en distanciel, la réponse de la ministre Morrale était très difficile à entendre. Nous en avons cependant copié le texte ci-dessous.
Réponse de la ministre Morreale
Mme Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes.
Madame la Députée, la question de l’accès aux soins de santé, que l’on soit au non en situation de handicap, doit être réaffirmée à tout prix. Chacune et chacun a ce droit fondamental qui est l’accessibilité de manière non discriminatoire aux soins de santé.
Votre question dépasse largement l’accès aux soins de santé pour les personnes en situation de handicap, mais cela concerne finalement toute personne dont l’état de santé nécessite des soins. La presse s’est d’ailleurs largement fait écho de l’impact de la crise Covid sur l’accessibilité aux soins ou les reports de soins ou de traitement. Je pense particulièrement aux personnes qui sont atteintes d’un cancer, en référence notamment à Octobre rose, la campagne annuelle de communication destinée à sensibiliser au dépistage du cancer du sein et à récolter des fonds pour la recherche.
Force aussi est de constater que votre question dépasse les compétences de la Wallonie, donc de mes compétences, parce qu’il s’agit de santé. Cela ne vous a donc pas échappé.
C’est mon collègue Frank Vandenbroucke qui est en charge, mais le fait est que, dans le cadre de la crise que l’on vit, la question de l’accessibilité aux soins est sans doute ravivée de manière plus prégnante encore. Je mesure combien des décisions qui ont été prises par le Conseil national de sécurité et qui ont fait l’objet de mesures d’exécution, de circulaires dans les secteurs qui relèvent par contre de nos compétences et de mes compétences ont impacté les personnes en situation de handicap. Elles ont été prises dans un souci de protection de la santé. Ces décisions se sont imposées à toutes et à tous, elles ont perturbé nos habitudes. Surtout, c’est vrai pour les personnes handicapées et leurs familles qui ont bouleversé les fragiles équilibres, voire déconstruit ce qui avait été mis en place au fil du temps. Je le regrette, parce que les impacts de la crise sanitaire sur les personnes handicapées en termes de solitude, de vie intime qui est chamboulée, de souffrance psychique, d’habitudes bouleversées, de soins médicaux postposés. C’est vrai que c’est toute la population qui a été impactée à des degrés divers, que ce soit le confinement, la suspension des activités, le nombre de services ou encore les reports de soins.
Les personnes en situation de handicap, c’est un groupe hétérogène – on l’a dit et vous le savez parce que vous connaissiez cela très bien – de personnes liées à leur type de handicap, leur âge, leur lieu de vie, les ressources en besoin, leurs attentes. De surcroît, toutes ne sont pas reconnues ou identifiées par les pouvoirs publics et particulièrement par l’AViQ. Se pose alors la question de les atteindre et de leur proposer des aides spécifiques. Étant entendu que, durant la période de confinement, comme pour tout un chacun, les contacts sociaux étaient interdits, les soins non urgents reportés.
Hier, j’avais une réunion avec des fédérations patronales dans le secteur du handicap et je leur disais que, en plus des directions, que j’avais rencontré les syndicats, etc., s’ils avaient des formulations particulières à me faire, si à un moment nous devions être amenés à prendre des mesures plus strictes dans les prochaines semaines, que j’étais à l’écoute d’autres mesures qui devraient être prises ou de choses qui ne devraient pas être recommencées.
Je voudrais proposer de manière très pragmatique des réponses qui ne peuvent pas être exhaustives. On ne peut pas atteindre individuellement toute personne. On a essayé de mettre en place des solutions pour les personnes en situation de handicap qui étaient confinées et isolées à leur domicile, notamment dans le cadre de la task force Urgence sociale qui était pilotée par le ministre-président. La situation des personnes handicapées a été évoquée. Un groupe de travail a été constitué et des associations représentatives des personnes handicapées étaient présentes.
L’agent de l’AViQ qui a été associé aux travaux de la task force pour essayer de prendre la situation du handicap sur base de la connaissance qu’il en avait. Cela a donné lieu au numéro d’urgence sociale, en collaboration avec la plateforme d’initiative citoyenne et Cap 48, qui a aussi été formalisé. J’ai aussi dégagé des moyens financiers pour permettre aux services d’accompagnement agréés, subventionnés par la ville de répondre aux demandes d’aide et de soutien formulées par les personnes handicapées qui étaient confinées.
On a dégagé également des moyens financiers importants pour mettre en place et pour renforcer des équipes de soutien psychologique pluridisciplinaires. Cette crise a été un véritable traumatisme collectif, je pense d’ailleurs qu’elle le reste davantage encore pour les personnes qui ont vécu l’épidémie en première ligne. Celles et ceux qui ont été touchés de plein fouet ou qui ont perdu un proche et qui n’ont pas pu faire leur deuil dans des conditions normales. Pour ma part, j’ai dès le début de la crise sanitaire pris la mesure de la situation des personnes en situation de handicap. La dimension du handicap a systématiquement été intégrée dans toutes les décisions qu’on a prises dans le premier souci de protection de la santé. Vous savez également qu’on a pris des mesures complémentaires assez rapidement afin de faire en sorte de dégager des moyens supplémentaires pour que les personnes se rendent dans le domicile de personnes en situation de handicap et qui étaient isolées lorsqu’il fallait se rendre à la pharmacie ou pour faire les courses voire simplement lorsqu’il fallait avoir une discussion avec elles et briser la solitude dont elles souffraient davantage encore que la population en général. Je ne manquerai pas de répercuter vos légitimes inquiétudes auprès de mon collègue le ministre Vandenbroucke.
>>> L’intervention complète de la députée Vandorpe et la réponse de la ministre Morreale ici <<<
Ce que nous pouvons retenir de cet échange :
- L’accessibilité aux soins est un droit fondamental. La ministre reconnaît donc que le contraire constitue une discrimination ;
- Les personnes en situation de handicap et leurs proches ont été particulièrement bouleversées par le confinement et les mesures sanitaires, et ils attendent des mesures concrètes ;
- Toutes les personnes en situation de handicap ne sont pas encore reconnues ou identifiées par l’AViQ. Pour rappel, notre cahier de revendications de 2019 demandait déjà le recensement régulier des besoins exprimés par les personnes handicapées ainsi que la mise en place de listes centralisées exploitables.
- En pleine crise sanitaire et alors que de nombreux centres d’hébergement, d’accueil de jour, écoles spécialisées ou services de répits ferment, ce sont les fédérations patronales qui sont entendues pour entendre leurs “formulations particulières” quant à la crise.
- Parmi ces mesures concrètes, nous pouvons notamment compter l’ouverture d’un numéro d’urgence.
Faisant suite à la réponse de la ministre, la députée Vandorpe a déclaré : “On ne peut pas laisser souffrir toute une partie de la population ainsi que les familles. Je pense qu’il y a encore un gros travail à faire même si ça évolue et je compte sur vous. Je ne manquerai pas de revenir vers vous pour vous le rappeler en temps utile.”
Nous aussi.
Je sais, je devrais me taire, car mon fils a une solution. Je devrais être reconnaissante, car mon fils a une place d’accueil de choix. Je sais, je devrais arrêter de râler sur le monde politique qui n’en fait pas assez, car il n’en fera pas plus.
L’intervention complète de la députée Vandorpe et la réponse de la ministre.