Une très importante étude sur les bonnes pratiques a été publiée en novembre 2021. Son but était de faire une revue systématique des articles scientifiques rédigés entre 1990 et 2017, et d’évaluer les pratiques ayant des effets positifs sur les enfants et jeunes autistes. En tout, ce sont 32.000 articles qui ont été revus et dont les résultats furent mis en perspective.
Depuis la crise du COVID-19, nous avons pu voir à quel point la diffusion de fausses informations pouvait avoir des conséquences dévastatrices. Il existe dans le grand public, mais aussi chez une minorité de professionnels, une tendance à la défiance vis-à-vis de la science et de la recherche. Nous avons ainsi pu voir à quel point le débat sur l’hydroxychloroquine, par exemple, a pu mobiliser nos attentions alors que la communauté scientifique avait balayé depuis longtemps cette hypothèse. Mais les exemples de solutions farfelues, de pratiques étranges, dites “miraculeuses”, continuent de proliférer. Le secteur du handicap n’en est pas épargné, avec des conséquences importantes pour les familles. C’est pourquoi il est aujourd’hui plus que nécessaire de rappeler l’importance des bonnes pratiques dans l’accompagnement de personnes en situation de handicap, et tout particulièrement pour les personnes autistes.
Mais qu’est-ce qu’une bonne pratique ? Avant toute chose, il est important de considérer comme bonne pratique une pratique fondée sur les preuves (“evidence based practice“), c’est-à-dire :
La pratique fondée sur les preuves diminue l’emphase donnée à l’intuition, à l’expérience clinique non systématique et à l’argumentation physiopathologique comme bases suffisantes à la prise de décision clinique et insiste sur l’examen des données issues de la recherche clinique.
Beaulieu, Proulx, Jobin, et al., Des connaissances probantes pour la première ligne : clé d’un savoir partagé, 2004.
En d’autres termes, une bonne pratique (ou une pratique fondée sur les preuves) est une pratique en accord avec le consensus scientifique. Une pratique actualisée par la recherche et dont l’efficacité est prouvée. Ce ne sont donc pas des pratiques bonnes en soi, elles le sont parce qu’elles ont répondu à des critères prédéfinis sur leur efficacité. Ce n’est donc pas un choix arbitraire, mais le résultat d’une démonstration respectant le cadre scientifique.
Il est dès lors très important d’évaluer les différentes pratiques, afin d’estimer le degré de sérieux d’une méthode, son efficacité. La pratique clinique étant soumise à des variations selon les lieux et les époques, elle n’est pas suffisante dans la formation continue des praticiens. D’autant que la pratique est subjective, propre à une institution, à une équipe ou un individu. Chaque praticien doit donc s’informer des dernières actualités du champ scientifique, au risque de reproduire des pratiques datées, voire parfois déconseillées. C’est pour cette raison qu’il est nécessaire de produire des systematic reviews (des revues systématiques), une synthèse des connaissances existantes sur une question donnée. En l’occurrence : les pratiques thérapeutiques pour personnes autistes.
Cette synthèse de troisième génération fut publiée en novembre 2021 et rédigée par des chercheurs de l’Université de Caroline du Nord. L’équipe incluait des psychologues de l’éducation et du langage, des orthophonistes et des psychiatres.
Ce que l’étude conclut :
✅ Il y a eu, pendant très longtemps, de nombreuses discussions entourant la conceptualisation de l’autisme en tant que handicap ou en tant qu’ensemble de compétences uniques pouvant être considérées comme des forces/différences. Le caractère handicapant et envahissant de l’autisme étant reconnu universellement, il n’est aujourd’hui plus permis de douter sur le fait que l’autisme soit un handicap.
✅ Catégoriser les pratiques selon qu’elles soient “bonnes” ou “mauvaises” n’est pas un travail arbitraire. Le site de la britannique National Autistic Society recensait plus de 1000 “mauvaises pratiques” sur son site (incluant les prises de vitamines, le gluten-free, les thérapies aux hormones, etc.)
✅ Le manque de preuves ne signifie pas que les interventions sont inefficaces, car les études n’ont peut-être pas encore été menées. Mais dans ce cas, proposer une pratique non basée sur les preuves revient à appliquer un traitement expérimental à un patient. Ce dernier doit donc être mis au courant que la pratique utilisée n’est pas fondée sur les preuves (et l’accepter en conséquences).
✅ A partir de 2010, la communauté scientifique a produit une majorité d’articles corrélant “bonnes pratiques” et “efficacité thérapeutique”. Il existait 16 études en 2000 sur l’efficacité des bonnes pratiques, 40 en 2011, 122 en 2017. Ce qui indique un consensus scientifique de plus en plus marqué, et donc : les bonnes pratiques d’aujourd’hui sont tendanciellement bien plus efficaces que celles d’hier.
✅ 28 pratiques répondaient aux critères de “bonnes pratiques” (c’est-à-dire, fondée sur les preuves et pouvant justifier d’une certaine efficacité), à savoir :
☑️ Les histoires sociales,
☑️ La communication alternative et augmentative (PECS, etc.),
☑️ Interventions comportementales (ABA et autres), ou cognitivo-comportementales,
☑️ Renforcements (différentiels, directs), avec retrait des renforcements par l’extinction,
☑️ Supports visuels, vidéos,
☑️ Médiation par la musique ou le sensoriel,
☑️ Implications des parents dans la thérapie,
☑️ etc.
(Lire la version PDF de l’article pour consulter les différentes pratiques et leur évaluation, pp. 4023-4032).
Evidence-Based Practices for Children, Youth, and Young Adults with Autism: Third Generation Review (Pratiques fondées sur des données probantes pour les enfants, les jeunes et les jeunes adultes autistes : examen de troisième génération)