15 January 2018
57ème action du GAMP du 13 décembre 2017 auprès de la Ministre Présidente de la COCOF Fadila Laanan
Le 13 décembre 2017, le GAMP redémarrait une campagne de sensibilisation du monde politique au handicap de grande dépendance par une action visant la Ministre-Présidente de la COCOF Fadila Laanan. Voici l’entièreté du compte rendu de l’action et de la rencontre avec la Ministre :
Ce mercredi 13 décembre, des membres du GAMP, des parents avec leurs enfants et des responsables de centres d’accueil de la grande dépendance ainsi que des éducateurs concernés ont rencontré la Ministre Fadila Laanan et son directeur de cabinet adjoint Jean-Pierre Boublal.
Après le mot de bienvenue de la Ministre- Présidente de la COCOF Mme Fadila Laanan, Mme Agoni porte-parole du GAMP, précise l’objet de cette rencontre.
Nous sommes en période budgétaire et nous savons que le budget relatif au handicap se négocie à l’intérieur d’une enveloppe fermée. Pour l ‘année à venir nous réclamons davantage de ressources pour le handicap de grande dépendance (GD), qui n’est pas suffisamment priorisé. En effet, le taux d’encadrement dans les services d’accueil de la grande dépendance (GD) est trop faible et les responsables des centres ouverts ces dernières années sont là pour en témoigner. Les arrêtés d’application du Décret Inclusion publié en 2014 ne sont pas encore tous publiés et le secteur attend avec impatience l’arrêté relatif aux activités de jour et au logement, qui devait prévoir une norme GD renforcée. Le secteur demande un renforcement de 30% par rapport à la norme actuelle. Mme Agoni note aussi la présence de plusieurs parents d’enfants autistes qui réclament une prise en charge précoce intensive et adaptée, en ligne avec les bonnes pratiques éducatives recommandées. Ce, afin de permettre une plus grande autonomie et éviter ainsi à ces enfants de glisser dans une situation de grande dépendance à l’âge adulte.
Mr. Godin rappelle qu’il a fallu énormément de temps pour que le centre HOPPA soit construit : ouvert en 2015, il dispose d’un emploi temps plein pour 5 à 6 personnes lourdement handicapées, ce qui s’avère insuffisant. Directeur également du centre Solidaritas Creb, il constate que pour les enfants, les normes permettent un encadrement de qualité car elles sont plus élevées. Or, les personnes adultes qui participent aux activités présentent une diversité de besoins qui ne peuvent être couverts avec l’encadrement actuel.
Mr. Ullens enchaîne : à la Coupole Bruxelloise de l’Autisme, la situation devient intenable, le centre a ouvert en 2014 avec une capacité de 15 résidants et le cabinet de la Ministre Huytebroeck avait permis une ouverture progressive, promettant du personnel complémentaire lorsque les arrêtés du Décret Inclusion seraient adoptés. Dès l’ouverture, ce centre a pris l’option d’accueillir les personnes autistes les plus dépendantes inscrites sur la liste GD de la COCOF. Actuellement, ils ne peuvent pas accueillir plus que 12 résidants mais s’ils n’honorent pas le quota de 15 personnes, leur encadrement serait réduit. Ils ne voient pas comment en sortir. Ils ont plusieurs éducateurs en arrêt de travail suite à des accidents, il y a également des accidents entre résidants et même en rue avec des tiers. Leur taux d’accident présente un risque 5 fois plus grand que le taux moyen. Si cette situation perdure, ils seront obligés d’opérer une plus grande discrimination à l’égard des personnes plus lourdement handicapées, ce qui est contraire à leur philosophie !
Mr. Tolfo, papa d’un adulte autiste, témoigne du cas d’une personne handicapée de GD ayant de gros troubles du comportement et mise à la porte d’un centre. Elle fut placée dans un hôpital psychiatrique. Lors d’une visite, il l’a trouvée dans une salle de 40 personnes, bourrées de médicaments et déambulant dans cet espace restreint sans aucune activité. Il ne peut accepter un tel sort pour son fils. Quelle alternative ont les parents ? Voir son enfant enfermé et réduit à l’état d’une larve ? Si les autorités ne donnent pas les moyens, on verra se multiplier les accidents de travail et l’exclusion de ceux qui en on le plus besoin pour qu’ils soient uniquement à charge des parents vieillissants. .
Des mamans témoignent : « Pourquoi existe-t-il une telle différence entre la Belgique et l’Angleterre par exemple, où la société investit davantage dans le handicap et l’inclusion ? On signale que le désespoir guette même les personnes les moins atteintes, un jeune homme autiste de haut niveau vient de se suicider car il ne trouvait pas sa place dans notre société… ». « Quels choix ont les parents lorsqu’ils se retrouvent seuls, ou l’un des deux décède ? La psychiatrie ? Cette alternative hante tellement les parents que l’on trouve le suicide presque « normal ». Les centres aussi ont besoin d’être soutenus et le nombre de personnes handicapées ne diminue pas ». « Chaque année, des dizaines de jeunes quittent l’école ou le centre spécialisé pour enfants et n’ont comme alternative que de retourner à la maison 24h/24 ».
La directrice d’un centre confirme l’arrêt de travail de 2 personnes professionnellement engagées, elle se refuse de mettre à la porte la personne responsable qui n’est pourtant pas responsable de son handicap. Elle et son CA portent seuls ces responsabilités, et avec un seul éducateur présent pour 12 personnes la nuit, comment être tranquille ? Elle avoue dormir avec son GSM à côté car elle risque d’être appelée à tout moment.
Mr. Riat coordinateur des maisons Les Pilotis, chacune accueillant 5 personnes, dont une majorité de GD, rencherit au sujet des normes d’encadrement. On avait fait naître une lueur d’espoir avec les arrêtés d’exécution du Décret Inclusion et chaque année des jeunes sortent de l’enseignement spécialisé. Avec 3 unités de vie, on considère Les Pilotis comme une seule de 15 résidents. Tous ces aspects doivent être pris en compte, car au final, cela coûtera moins cher à la société (le coût d’un lit d’hôpital est largement plus important). De même si l’on assurait une bonne prise en charge dès la naissance. La liste GD ne faiblit pas.
Le FARRA Méridien rencontre les mêmes difficultés, avec les 20 usagers. Il en manque 5 pour les mêmes raisons, il n’est pas évident d’assurer le confort des bénéficiaires, la valorisation des compétences du personnel et répondre en même temps aux normes imposées. Ils ont encore 5 places et la liste GD est longue. Comment faire avec 5 résidents en plus, alors qu’ils ont aussi des arrêts de travail pour maladies et du personnel sortant. De plus, il faut dire aux familles qu’on ne peut prendre leur proche parce que ce n’est pas gérable !
Madame Laanan, signale qu’elle a bien compris et que le budget du service Phare a été augmenté de 5 millions d’euros, alors qu’il représente déjà 1/3 du budget global de la COCOF. Le fait que la COCOF n’a aucun pouvoir fiscal est un gros problème. Leurs ressources proviennent de 3 entités fédérées. Dans ces conditions, il est très difficile de trouver une solution à tous les problèmes. Les ministres ne peuvent engager des moyens qu’ils n’ont pas et, pour ouvrir des places, il faut s’assurer de leur pérennisation. Dans le cadre du non marchand, il y a un accord, les syndicats ont obtenu 4 millions de ravalorisation.
Il ne s’agit pas d’un manque d’attention au handicap, tous les ministres connaissent des problèmes et chacun doit établir des priorités. Ce qu’a fait Mme Fremault avec 18 millions d’investissement et a insisté pour que chacun fasse un effort pour les infrastructures. C’est l’ensemble du Parlement qui établit les priorités, qui ne répondent pas toutes à nos demandes. En 2014 déjà, on a augmenté le budget de 7 %. On ne sait pas obtenir davantage jusqu’an 2025. Un bol d’air de 14 à 15 millions d’euros est venu du fédéral. A l’avenir, les partis devront réfléchir à comment financer les politiques personnalisables.
Mme Agoni admet que chaque année on augmente le budget, mais cela couvre l’augmentation du coût du travail, pas de nouvelles politiques. Elle souligne aussi qu’il est difficile de se mettre à la place d’un parent désespéré lorsque qu’on ne vit pas la situation. Elle doute que l’on puisse réellement comprendre ce désespoir…
Au sujet du budget, elle demande combien d’argent la COCOF rétrocède à la Fédération Wallonie-Bruxelles au nom de la solidarité intra-francophone. Elle souligne que la Fédération WB devrait être le principal pourvoyeur de fonds de la COCOF à la suite du transfert des compétences. Dans la réalité, on a effectué des montages financiers qui posent question : les différents transferts de compétences vers les régions par la Fédération WB étaient normalement accompagnés de transferts de fonds. Mais par la suite, la même Fédération WB s’est accordée avec les régions (COCOF et Région Wallonne) pour que des fonds lui soient rétrocédés au nom de la solidarité intra-francophone. Cette perte de fonds est compensée en Région Wallonne par des impôts propres, ce qui est impossible pour la COCOF. Ainsi, c’est la Région bruxelloise qui ajoute des subsides à la COCOF et devient son plus important pourvoyeur de fonds…
Un membre du GAMP estime que l’on peut, si on le veut, trouver de l’argent en 48 heures, notamment pour sauver des banques !
Tout le monde s’accorde pour dire qu’on a voté pour une ouverture de places, les politiques doivent donc l’assumer. M. Godin rappelle que la Belgique a été condamnée par le Comité Européen des Droits Sociaux. Lorsque les syndicats réclament une revalorisation, on trouve de l’argent. On regrette le manque de transversalité. Mme Laanan réplique qu’il y a eu une réunion interministérielle à ce sujet.
Le GAMP signale aussi qu’en Flandre, des meilleures solutions se trouvent avec un budget personnalisé, cela coûte moins cher et on crée de plus petites structures. En Hollande le pourcentage du PIB accordé à la politique du handicap est 2 fois plus élevé qu’en Belgique. Le décret inclusion c’était un espoir, on prend des dispositions et puis on ne tient pas les promesses par rapport à l’encadrement. Pire, les projets innovants ne le seront plus car cela coûte trop cher !
La directrice de la Coupole perçoit bien que Mme Laanan est à l’écoute et lui propose de venir en observateur durant une ½ journée à la Coupole, il faut le voir et le vivre pour le comprendre.
Les membres du GAMP sont persuadés qu’en cette législature l’on ne sortira pas l’arrêté devant contenir les normes GD parce que la COCOF n’aura pas l’argent pour l’assumer. C’est inacceptable et Mme Agoni avertit qu’on ira en justice contre la COCOF. D’autres parents prennent la parole : « Nous sommes des parents venus frapper à la porte, nous avons reçu une foule de détails financiers (non repris dans ce compte rendu). Moi papa, je fais quoi ? Il y a urgence ! » « Le temps des parents n’est pas celui des politiques. Vous êtes la Ministre-Présidente, responsable du budget, cela fait plus de 10 ans que le GAMP milite pour la GD et constate que s’il y a eu une ouverture de places depuis, il n’y a toujours pas de vision à long terme et pas de cohérence dans les politiques du handicap ».
Mme Laanan souhaite que nous nous quittions en bon termes. Elle a été à l’écoute, elle sera toujours attentive à ce que Mme Frémault présentera et en parlera avec elle. Elle continuera à travailler pour l’humain mais dans une réalité budgétaire qu’elle doit assumer.
Un grand père déclare : « On a compris la réalité : les parents, les éducateurs, les responsables des projets n’ont rien contre vous mais les parents ont une colère qui monte, et cela doit changer. Ils sont en colère parce qu’ils pensent que l’on ne comprend pas lorsque l’on n’est pas dans la situation. Nous voulons que cela change, on doit prendre en compte les personnes les plus faibles de la société. La colère monte parce qu’on veut des services de qualité. On ne veut pas de la psychiatrie, de la prison, de l’asile qui coûtent encore plus cher mais qui dépendent d’un autre budget… Dans 5 ans, les besoins seront encore supérieurs ! »
Et une maman termine : « On attend de vous que tous les ministres se mettent autour de la table. Vous avez le pouvoir de convoquer une réunion ». « On l’a fait » a répondu la Ministre.
« Alors continuez ! ».